mercredi 24 mars 2021

Vers une reconquête des versants de la Haute Vallée de la Loue ?

Autrefois occupés principalement par la vigne (près de 1 000 ha de vignes en 1850 sur les coteaux entre Ornans et Mouthier - Hautepierre) et secondairement par les vergers, les versants de la Haute Vallée de la Loue connaissent depuis un siècle un enfrichement 


Vers Chateauvieux les fossés

progressif amorcé et renforcé par l'exode rural à la fin de la seconde guerre mondiale. Outre la fermeture paysagère et la perte d'attractivité d'une des plus belles vallées franc-comtoises, cet enfrichement progressif entraîne une perte de biodiversité reconnue (la vallée de la Loue figure dans le réseau européen Natura 2000), le remplacement d'une faune et d'une flore présentant des affinités thermophiles par des espèces forestières plus banales.



Cet enfrichement lié à l'abandon de la vigne a été favorisé par un morcellement important du foncier privé et par des pentes non mécanisables et peu productives sur le plan fourrager.


Bien conscients de cette perte progressive d'attractivité de la vallée, les pouvoirs publics par l'intermédiaire notamment du Syndicat Intercommunal d'Aménagement de la Haute Vallée de la Loue (SIAHVL), ont lancé à la fin des années 1990 un programme européen Life (L'instrument financier pour l'environnement) avec un objectif de reconquête des versants afin de retrouver les paysages immortalisés par Courbet. D'importants chantiers de réouverture ont été engagés, couplés à l'installation d'une exploitation agricole sur la commune de Montgesoye pour tenter de pérenniser l'ouverture des versants. Pour autant, ce programme d'actions ambitieux a buté sur deux problèmes majeurs et interdépendants : un foncier privé très morcelé et l'absence de projet de diversification agricole adapté au contexte local de ces versants abrupts et peu productifs n’ayant pas permis de maintenir une ouverture des milieux après débroussaillage.


Les associations foncières pastorales : une réponse adaptée à la problématique foncière

Avant tout projet pastoral, la maîtrise du foncier a été reconnue comme un préalable indispensable. A cet effet, plusieurs communes de la vallée (Ornans, Vuillafans, Echevannes puis Châteauvieux-les-Fossés), en collaboration avec le Syndicat mixte de la Loue (opérateur Natura 2000), le Département du Doubs (en charge notamment de la politique des Espaces naturels sensibles) et la Chambre d'Agriculture du Doubs ont favorisé la mise en place d‘associations foncières pastorales. Ces associations syndicales instaurées par arrêté préfectoral après enquête publique et accord de la majorité des propriétaires, permettent au sein d'un périmètre défini de mobiliser du foncier à des fins pastorales et aux propriétaires qui le souhaitent de rester maîtres de leurs biens. Ces associations foncières accordent également aux communes le droit d'acquérir du foncier (biens vacants sans maîtres, ventes) grâce à l'intervention du Département du Doubs par la mobilisation de la Taxe d'Aménagement affectée aux Espaces naturels sensibles.


La recherche de projet pastoraux adaptés


La seconde étape a consisté à rechercher et à faire émerger des projets agricoles adaptés au contexte et aux enjeux de ces versants. Dans ce contexte difficile, deux projets agricoles ont émergé : un troupeau ovin sur les coteaux d'Ornans (jeune exploitant installé sur le plateau d'Amancey) et une exploitation de chèvres sur les coteaux de Châteauvieux-les-Fossés, soutenus financièrement par le Département du Doubs en partie propriétaire des terrains.


Le projet pastoral prévu sur les coteaux de Châteauvieux-les-Fossés (classés « Espace naturel sensible ») possède une vocation économique grâce à l’installation d’un nouvel exploitant originaire du plateau. C’est sur une surface d’une cinquantaine d’hectares très embroussaillés et très pentus, qu’un troupeau mixte de chèvres et de brebis, prend peu à peu ses quartiers. L’objectif est double : à la fois reconquérir puis maintenir l’ouverture des milieux naturels et valoriser une production laitière par la vente en circuit court de produits transformés (fromages, produits laitiers). Ce projet en conduite biologique nécessite une restauration de l’infrastructure pastorale (clôtures, bâtiment) pour permettre une installation pérenne. Le Département du Doubs, propriétaire d’environ 80 % de la surface, mobilise ainsi une part de la taxe d’aménagement pour mener à bien ce projet.



En l'absence de projet agricole sur le secteur de Vuillafans-Echevannes, également classé "Espace naturel sensible" par le Département, un troupeau conservatoire porté par le Conservatoire des Espaces naturels de Franche-Comté (CEN FC) a été mis en place au printemps 2019 sur une vingtaine d'hectares. Ce troupeau est constitué d'une dizaine de vaches Galloways (race rustique originaire d'Ecosse) et de cinq chevaux Konik-Polski (race proche des tarpans, chevaux sauvages qui peuplaient jadis les steppes de l'Europe centrale). Ce troupeau à vocation conservatoire est amené dès cette année à pâturer deux nouveaux parcs sur Vuillafans et Echevannes mais aussi d'autres sites remarquables du territoire Loue-Lison, comme à Epeugney, Vorges-les-Pins et Liesle.


Sur la commune des Premiers Sapins (exemple : Hautepierre-le-Châtelet), un autre projet conservatoire, plus modeste, a été mis en place dans le cadre de la démarche en faveur des Espaces naturels sensibles, portée par le Département et en partenariat étroit avec l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue (opérateur Natura 2000). Après quelques travaux de débroussaillage, un troupeau de chèvres et de quelques ânes, géré par un habitant bénévole, pâture les secteurs de corniche et de bas de pente de la célèbre roche de Hautepierre.


Ces projets agricoles et conservatoires ont pu se mettre en place grâce à la volonté des communes, à un partenariat technique avec différentes structures et à des financements importants de Natura 2000 (Etat et Union Européenne) et du Département du Doubs dans le cadre de sa politique sur les Espaces naturels sensibles.


Conclusion


La perte d’identité paysagère d’un territoire, notamment la Vallée de la Loue que l’illustre peintre a magnifiée, a pour conséquence une perte de son attractivité, économique et touristique. Les exemples sont nombreux de vallées vosgiennes qui se referment et sont peu à peu désertées par leurs habitants. Le patrimoine naturel et les paysages qui caractérisent cette vallée méritent une attention particulière et l’expérience montre que toute initiative de réouverture et de reconquête paysagère est vouée à l’échec si une solution de gestion pastorale n’est pas prévue dès l’origine. Ne l’oublions pas.

Etant donné l’étendue du territoire concerné, son morcellement foncier et le peu d’intérêt porté pour l’heure à ces secteurs par l’agriculture actuelle, les initiatives de gestion, de valorisation paysagère et de préservation de la biodiversité passent par une mobilisation des collectivités locales pour soutenir ce type de projet sur le long terme. Nous souhaitons que les récentes initiatives prises favorisent de nouveaux projets et contribuent à la prise de conscience collective de l’importance du maintien des activités agro-pastorales pour la diversité et la qualité environnementale de nos territoires.




Le Département du Doubs

L’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue,




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